Le souffle (NDE)

C’était un magnifique jour d’avril.

Abus de fatigue, abus de tabac, abus de travail! je me sentais concassé ce matin là.

Un veille bronchite pas soignée déposait son voile de grisaille sur mes poumons et me faisait regretter mes cigarettes passées.

Il me vint à l’idée d’aller rendre visite à mon ami René, médecin de son état, mais la lassitude qui me gagnait m’en dissuada.

La fin de journée, ainsi que la nuit qui s’ensuivirent ne furent qu’une longue recherche d’air, denrée si abondante et cependant si précieuse lorsqu’elle vient à vous manquer.

Le matin, enfin, il me sembla que tout reprenait un rythme normal, souffle court, mais tellement imbibé de fatigue que je n’arrivais à le sentir, je partis donc vers des occupations qui se devaient d’être passionnantes.

Mais, une fois à l’ouvrage, toute ma pseudo énergie s’envola dans un « souffle » et je retombais dans mes travers respiratoires

Le temps, dès lors, s’interrompit et les reste de mon histoire ne peut s’inscrire qu’au travers d’un voile de fumée

La réalité de mon retour chez moi s’inscrivit aussi clairement que les spirales de mes cigarettes, tantôt rond et précis, tantôt oblong et confus

Puis se fût (mée) mon arrivée chez mon ami René, qui toujours aussi précis, en déduit que j’avais besoin d’un bon bol d’air frais

Aussitôt dit, aussitôt fait me voilà donc brancher par une tuyau tout ce qu’il y a de plus terne à ma seule source de vie, cette foutue bouteille d’oxygène.

La journée passa, aussi légère que les bruissements des ailes des oiseaux qui me conduisirent aussi sec au service des soins intensifs d’une hôpital quelconque.

Alors débuta, je crois, le moment le plus crucial de mon existence!

J’étais là, totalement vulnérable, à la merci du premier microbe venu. Ballotté par le personnel soignant, pris en charge par les médecins aussitôt accouru voir ce spécimen rare !

Ils me branchèrent, me perforèrent, me tentaculèrent ! ma vie était totalement dépendante de leurs drôles de machines.

Je voyais les chiffres de mon électro défiler, monter monter encore vers une cime inaccessible qui si elle était atteinte ne pourrait que me conduire au tréfonds des abîmes.

Ces gens parlaient à mon corps, parlaient à ma tête, mais mon âme restait sourde à leurs suppliques.

Le temps s’arrêta, la preuve en était cette pendule, omniprésente, omnubilante, qui marquait sans arrêt l’heure, son heure, à moins que ce ne soit la mienne!.

Marquait-elle l’heure de mon trépas, ou celle de ma renaissance ?

Rien ne permettait de le savoir en l’état.

Et cette valse machine qui respirait pour moi, en moi, sans aucune possibilité d’échappatoire, aucune tentative de mon égo ne semblait pouvoir lui insuffler quelque dommage. Je respirais grâce à elle, à travers elle point final !

Mais si mon corps lâchait prise, mon esprit restait alerte, il se rebellait, se démenait en tous rêves, en tout imaginaire.

Pour la première fois, il refusa cette machine, il cessa de diriger mon cœur, qui évidemment s’arrêta!

Un tunnel, une lumière, etc, etc, vous connaissez la chanson, point n’est nécessaire d’y revenir.

Le voyage fût bref, enfin il me parut bref, quelques secondes tout au plus. Rideau sur le premier épisode.

La deuxième étape, fût un petit peu plus intense à mes yeux !

Après avoir vainement cherché à s’évader de la prison de mon corps, mon esprit se dit que seule la fuite en avant restait le plus sûr moyen d’y parvenir.

Il donna donc l’ordre à mon cœur de s’arrêter à nouveau. Cette fois, le tunnel me parut beaucoup plus long qu’à mon premier voyage. La lumière n’était plus seulement une lumière, mais également une source de réconfort, une rosée réconfortante et vivifiante.

Au fond de cette clarté, je discernais un passage étroit, mais tels les sous-bois d’automne, donnant l’envie irrésistible d’y partir faire un tour.

Je m’engageais donc et suivit une espèce de sentier qui menait au bord d’une rivière, dont la largeur était inversement proportionnelle à mon désir de la traverser. Tantôt large et profonde, infranchissable obstacle, tantôt étroite et fine ne donnant pas le besoin de la franchir.

Mon père, mes amis, mes frères de cœur étaient de l’autre côté, à me faire force signes et appels.

Toutefois, je sentais, je savais que si je traversais, mai vie en était finie. Que mes proches, les vivants, n’auraient plus que mon souvenir en dépôt.

La tentation fût très forte, très viscérale d’aller les rejoindre, mais lesquels choisir ?

Je percevais cette présence d’une force immense, qui me poussait à choisir, qui me forçait à agir.

Le cœur gros, c’est le cas de le dire, je saluais les personnes de l’autre rive, heureux de les savoir à nouveau proche de moi, et m’engageais dans le sens inverse.

La remontée me fût rendue pénible par la douleur, psychique d’avoir abandonné une fois encore mes proches décédés , c’était une sorte de deuxième mort pour eux, et physique d’avoir à endurer une fois encore l’étau de cette putain de maladie.

A mon réveil, ils étaient tous là, médecins infirmières, à s’affairer, à tourner, à vérifier, puis tout à coup une d’elle me vit réveillé. Elle s’adressa aux autres pour les informer. A leur mines dubitatives, je me rendis compte que j’étais passé très près de la fin.

Après quelques interminables minutes, ils me laissèrent seul, enfin façon de parler, ces machines toujours ces machines, et je pu enfin essayer de comprendre ce qui m’arrivait.

Un infirmière revint me voir, me demanda de lui raconter en détail mon escapade. Elle m’apporta fraîcheur et sérénité, je tremblais, elle me prit la main, je pleurais, elle sécha mes larmes, elle me confirma dans mon choix par quelques mots, quelques attitudes, me félicitant d’avoir choisi les vivants. Selon elle j’avais fait preuve d’amour vis à vis des miens.

Puis je m’endormis, une fois encore, bercé par les paroles de cette femme.

Quelques heures, ou jours plus tard, alors que je parlais d’elle avec un docteur venu me voir, il me parut étonné par ma description de cette femme.

Il alla donc se renseigner, revint vers mois l’air interrogateur et m’appris que personne n’était venu vers moi cette nuit là. Que ses collègues avait décrété un calme absolu et nécessaire.

J’avais donc inventé cette personne ! ? Ne serait-ce pas plutôt un message venu d’ailleurs me confirmant que j’avais eu raison de naître une deuxième fois.

Cédric (avril 2003)